Par Mostafa Abkari
journaliste et Nouvelliste
– Qui êtes-vous ? Me dit l’homme en blanc
– Je suis un journaliste
– En quoi consiste votre travail ?
Ajoute t-il impassible
– Je traduis par la plume
Ce que font et disent les autres
En ce bas monde
– Le journaliste est tout le monde et personne
– Je suis celui qui possède une plume
Fine et acérée, elle est fine quand
Elle fait l’éloge des acteurs politiques
Et acérée quand elle se lance dans une critique tenaillant ces mêmes acteurs, les condamnant, pour leurs gaffes, quelles soient commises
D’une façon délibérée, ou bien cette condamnation soit le fruit d’une diffamation
– Tu veux dire qu’un journaliste
Peut user de la diffamation à dessein
Soit pour son intérêt personnel
Soit pour le compte d’une tierce personne ?
Me dit-il cette fois d’une voix sceptique
– Malheureusement oui ! Lui avoue-je
Comme dans tous les métiers
Vous avez affaire à ce genre
De nature humaine
– Et vous ? Quel genre de journaliste
Vous êtes
– Au fond je suis un journaliste
Consciencieux et droit, mes des fois
Je suis contraint de puiser dans
Le marécage de l’éloge immérité, de
La complaisance au lieu du blâme
Ou être un tueur impitoyable
Par la plume
L’homme en blanc se rembrunit
Son habit blanc neige s’ombragea de
Noirceur et d’une voix tonitruante
Il m’accabla de maudit journaliste
Du diable ! Et disparut comme par enchantement
D’un bond je me réveillai, tout tremblant
Je délirai, criant de toutes mes forces
Attendez ! Attendez ! je ne suis pas un maudit journaliste, je suis…Mes cris
Réveillèrent ma femme en sursauts.
Elle me secoua et lâcha d’une voix apeurée
En arabe (Besmellah alik hbibi besmellah alik)
Que Dieu te vienne en garde ! Chéri !.
Elle m’enlaça, elle aussi tremblait
Elle me dit d’une voix protectrice
Qu’as-tu mon chéri ? Encore ce rêve cauchemardesque ?
C’est ton remords qui te fait
De mauvais rêves
Je lui bégayai
Cette fois c’est un homme
En habit blanc scintillant
Il m’a posé des questions sur
Mon métier de journaliste
Et quand j’ai lui avoué qu’il
M’arrivait d’écrire des articles
Sordides pour de l’argent
Ou par pure complaisance
Pour me défendre et défendre
Mes intérêts personnels, alors d’une voix sarcastique, il m’a accablé, en me traitant
De maudit journaliste du diable.
Ma femme se calma, me sourit, puis d’une voix douce elle me taquina
‘Hbil, Hbil, Hbil (fou 3fois)
Cet homme qui t’a rendu dans cet état
N’est autre chose que ta conscience qui
Te pourchasse, tu as une conscience d’un malheureux têtu
Qui ne se plait que dans la misère
Tu me disais souvent que tu as adopté
La pensée qui dit (Rien n’est humiliant comme voir des sots, réussir dans les entreprises où l’on échoue)
Elle continua d’une voix qu’elle savait
Rendre tendre et plus douce encore
Quand elle le voulait bien
Elle savait que sa voix tendre et douce, avec
Un certain sourire, où se mêle un regard voluptueux et ensorcelant était mon point faible pour elle.
Elle m’attira contre elle, prit ma bouche dans la sienne, son long baiser me fit sortir illico de mon cafard,
Elle m’enlaça encore plus intimement, puis me chuchota, ses lèvres effleurant mon oreille
Ne t’en fais pas chéri, une fois au lit, mets un coteau sous l’oreiller, et sois assuré que tu ne verras plus jamais dans tes rêves, ton homme en blanc
Déterminé de regagner le droit chemin du
Journaliste consciencieux et responsable
Je lui réponds en se séparant d’elle, exaspéré
Non ! Non ! et Non ! C’est fini
Je jure de ne plus faire prostituer ma plume
Tous mes prochains écrits, seront tracés avec une plume salvatrice, dont la mine est faite de sincérité et de responsabilité, elle sera
L’avocat de la dignité du journaliste et de sa fierté
, quitte à s’appauvrir comme auparavant
Je saisis ma dernière plume et je la jette par la fenêtre, d’ailleurs elle n’a plus que peu de mine, je me procurerai une autre, toute neuve
Elle sera une plume libre, elle attaquera tous ceux qui manquent de citoyenneté, tous ceux qui accaparent et partagent entre eux seuls, les richesses de notre pays et d’ailleurs.
Durant mon discours, ma femme ne sut que dire, elle comprit à quel point je suis déterminé de changer de chemin, puis je remarquai qu’elle pleurait en silence.
Tout à coup elle sortit de son mutisme et de ses pleurs
Et me lança d’une voix presque haineuse
– Tu sais très bien que pour ce que tu comptes faire, avec ta misérable nouvelle plume, on ne te le pardonnera pas
– On finira par t’emprisonner mon pauvre
Tu seras célèbre pour un moment, mais peu de temps après, tu ne seras ni l’hypocrite, ni le brave journaliste, on t’interdira d’écrire tes fadaises
Je lui réponds
– Je me défendrai en brave et je défendrai avec force, les valeurs morales et la dignité humaine et advienne que pourra.
J’en ai marre de me conduire en lâche
J’en ai marre d’instrumentaliser ma plume
Pour certains de ces nababs et ces mercantiles
Qui ne cessent de se régaler avec notre sang, en vampires
Au fond ils ne se régalent que de notre labeur
Transformé en gâteaux saupoudrés de notre sueur et saupoudrés encore plus, par cet autre labeur et cette autre sueur que fournissent et dégagent tous les pauvres de notre pays et de la planète
Ma femme sut qu’elle ne pouvait plus rien
Contre ma décision, elle pensait que c’était le diable qui s’est emparé de moi, me forçant à exécuter mes intentions.
Au fond c’était le contraire, c’était ce saint qui en est la cause.
Furieuse, ma moitié, dans une dernière tentative pour me dissuader de ce que je voulais faire, me bouda toute la journée.
La nuit suivante, toujours sans m’adresser la parole et à mon insu, elle glissa un couteau sous mon oreiller, elle croit que ce couteau est dissuasif de tout rêve et que l’homme en blanc
Ne pourra plus me rendre visite.
Mais au cœur de la nuit, l’homme en blanc se planta encore une fois devant moi, cette fois souriant, il se mit à genoux, s’inclina avec déférence, en guise de prosternation pour moi et pour mes bonnes intentions
Il tenait dans sa main droite un stylo
Vert scintillant, d’une beauté (du jamais vu), ce stylo extraordinaire, porte en caractères majuscules le mot LE MAROC en rouge écarlate, il s’avère que c’est le LOGO de ma tribune.
-Monsieur le journaliste ! Me lance l’homme en blanc,
– Ce stylo est vivant ! En ton âme et ta conscience ! Il ne saura transcrire que ce que lui dicteront ces dernières
-Tâches de ne pas le trahir, lui de sa part, saura t’honorer parmi les humains de ton genre.
Il disparut encore une fois comme par enchantement.